Conférence Cap sur la Finance Durable : Maurice résolument engagé dans sa transition écologique

Grâce au lancement par l’Agence française de développement (AFD) d’une nouvelle stratégie d’intervention en matière de finance durable, baptisée «Cap sur la finance durable», Maurice s’offre la possibilité de devenir une plateforme régionale de référence en matière de durabilité et d’innovation dans le domaine financier. Maurice vient ainsi de franchir un nouveau palier par rapport à l’obligation qu’il s’est fixée pour apporter sa contribution afin que ses projets d’investissement financier puissent être la manifestation de sa stratégie d’aligner ses efforts de financement aux exigences de nouveaux défis auxquels les petits États insulaires en développement doivent faire face. L’un de ces défis concerne la gestion des risques liés au changement climatique. Ce qui présuppose que tous les projets étudiés par les banques passent par les spécialistes qui examinent leur niveau de soutenabilité sur le long terme.
L’objectif de la stratégie «Cap sur la finance durable» consiste à accompagner, en partenariat avec l’Union européenne (UE), Maurice durant toute la durée de sa période de transition écologique tout en cherchant à positionner le pays comme une plateforme régionale de référence en matière de durabilité et d’innovation dans le domaine financier. Le lancement de cette nouvelle stratégie a fait l’objet d’une conférence qui s’est tenue du 4 au 5 février à l’hôtel Ravenala Attitude, à Balaclava. Les travaux de cette conférence avaient comme point central la nécessité de repenser l’avenir de la finance durable à Maurice. Cette conférence a été organisée conjointement par l’AFD, Business Mauritius et l’UE. Les invités étaient, entre autres, Dhaneshwar Damry, junior minister aux Finances, Rama Sithanen, gouverneur de la Banque de Maurice (BoM), Frédéric Bontems, ambassadeur de France à Maurice, Jose Maria Troncoso, chef de coopération de la délégation de l’UE à Maurice et Daniel Essoo, Chief Executive Officer de la Mauritius Bankers Association.
Les trois axes de soutien de «Cap sur la finance durable»
Le soutien de cette nouvelle stratégie se fera sur trois axes. Il s’agit en tout premier lieu de poursuivre le dialogue institutionnel et public-privé en lien avec le changement climatique et la finance durable. Le deuxième pôle d’intervention permettra à Maurice de bénéficier de l’aide requise pour soutenir les politiques publiques en matière de gestion environnementale et de résilience climatique qu’il sera amené à concevoir. Cet axe d’intervention devrait aider Maurice à déterminer, en partenariat avec les autorités nationales, les contours d’une stratégie gouvernementale de finance durable solide pour le pays. En troisième lieu, «Cap sur la finance durable» prévoit d’assurer un appui à la structuration du financement des banques mauriciennes. L’AFD s’occupera ainsi des banques publiques et des acteurs institutionnels, tandis que les banques et entreprises privées seront financées par Proparco, institution de développement financier et filiale de l’AFD. De plus, L’AFD poursuivra son appui au secteur privé avec Business Mauritius, avec le lancement d’un programme sur l’économie circulaire.
Croissance économique
Définissant l’objectif recherché par la mise en place de cette nouvelle stratégie de financement, Laetitia Habchi, directrice de l’AFD à Maurice, a expliqué: «Il consiste à soutenir des projets qui favorisent une croissance économique durable tout en respectant l’environnement. En collaborant avec nos partenaires locaux, nous avons pour mission de promouvoir des solutions qui répondent aux défis spécifiques du pays, tels que le changement climatique, la transition énergétique et le développement social, et ce au bénéfice des populations.» Marios Vitos, chargé d’affaires de la délégation de l’UE à Maurice, a déclaré: «La participation de l’Union européenne a permis aux bénéficiaires de SUNREF d’obtenir des emprunts à des taux très préférentiels. Nous souhaitons désormais renforcer le développement de la finance durable à Maurice en nous focalisant sur le renforcement des capacités, connaissances et mesures réglementaires des institutions financières gouvernementales et privées.»
L’initiative SUNREF : Une démarche salutaire
Même si ces jours-ci, l’AFD est en train de faire un forcing pour permettre à Maurice de s’aligner sur les exigences de la finance durable, ses initiatives ne datent pas d’hier. L’une d’elles n’est autre que le programme Sustainable Use of Natural Resources and Energy Finance (SUNREF). Sa mission principale consiste à accompagner les pays en développement à matérialiser leur projet de transition écologique. C’est ainsi que le programme SUNREF, maintenu depuis 15 ans par l’AFD à Maurice, offre aux entreprises, aux associations, aux sociétés de services énergétiques et aux particuliers, sous certaines conditions, de bénéficier de prêts à des conditions attractives pour le financement de projets relatifs à la croissance verte et au développement durable. Business Mauritius a participé activement à la mise en place des initiatives préconisées dans le cadre du programme SUNREF. Mieux, les investisseurs et les banques impliqués ont bénéficié d’une assistance gratuite financée par l’UE.
Ainsi, Maurice a bénéficié de EUR 300 millions d’aide en 15 d’engagement du programme SUNREF. Lancé en 2018, le déploiement des dispositions de la phase 3 de SUNREF a abouti à l’attribution d’un portefeuille de EUR 85 millions à 205 porteurs de projets, dont 31 entreprises et 174 particuliers. Cela, pour la mise en place de projets favorisant l’efficacité énergétique et la lutte contre le changement climatique avec la participation active de trois partenaires bancaires de l’AFD que sont la MCB, la SBM et AfrAsia. Un total de 77 % de ces projets ont été consacrés à la lutte contre le changement climatique, 22 % à des mesures d’adaptation face à celui-ci, et 1 % à l’égalité des genres. Grâce aux subsides de EUR 7,5 millions de l’UE, des primes à l’investissement ont permis de faciliter le débours de ces prêts, tandis qu’une expertise technique a aidé les banques et les porteurs de projets à renforcer le niveau de leurs compétences en matière de transition verte. «L’un des principaux enseignements que le programme SUNREF nous a permis de retenir, a rappelé Laetitia Habchi, se rapporte à la difficulté à financer des projets sur les thématiques liées à l’adaptation et au genre. De ce fait, parmi les priorités de Cap sur la finance durable, nous chercherons à renforcer les échanges avec le secteur bancaire et les institutions, tout en poursuivant le dialogue multisectoriel et en analysant en profondeur les moyens de répondre à des priorités telles que l’égalité hommes-femmes.»
Lors de son intervention dans le cadre des travaux de la conférence, Kevin Ramkaloan, le Chief Executive Officer de Business Mauritius, a précisé : «L’initiative SUNREF nous a permis d’accompagner les entreprises mauriciennes dans le cadre de leurs premiers engagements envers les obligations d’un modèle de développement durable. Les fonds d’études que nous avons pu mobiliser à travers ce programme nous ont aidés à identifier, de manière claire et précise, les défis et les opportunités liées au changement climatique. À Maurice, les initiatives de SUNREF ont permis à la communauté des affaires de relever les défis de demain et de saisir les opportunités d’un monde en pleine mutation.»
Lors de son intervention, Dhaneshwar Damry a lui souligné : «Le soutien financier accordé par l’AFD a donné envie aux entrepreneurs de continuer davantage sur cette voie.» Il estime que la ligne de crédit verte de l’AFD a joué un grand rôle auprès des banques locales.
La posture de la BoM
Quel devrait être le rôle des banques centrales face aux risques occasionnés par le dérèglement climatique et qui comportent également des risques énormes pour le secteur financier ? Lors des travaux de la conférence, le principe avancé est que les banques centrales veillent à la capacité de résilience de leur système monétaire face à ces risques et à leur prise en compte dans le cadre de la mise à exécution de leurs différentes missions en tant qu’organismes régulateurs des activités du secteur bancaire. Rama Sithanen, gouverneur de la BoM, a fait état de la signature de deux nouvelles conventions de partenariat avec l’AFD pour lutter contre le changement climatique et les vulnérabilités liées à l’eau et aux inondations. Ces conventions concernent une étude sur les eaux souterraines à l’île Rodrigues et la mise en œuvre de la Phase 2 du programme AdaptAction.
«À Maurice, a-t-il indiqué, on constate un changement graduel mais notable. Les dernières enquêtes menées par la banque ont mis en évidence un certain progrès soutenu vers un système bancaire plus vert. L’exposition totale du secteur bancaire aux projets durables a augmenté de manière régulière, passant de Rs 4,2 milliards à fin juin 2022 à Rs 10,2 milliards à fin juin 2024, représentant une croissance moyenne annuelle de 56,1 %. Les facilités de l’AFD et de Proparco ont contribué à la croissance des expositions vertes. Sur la même période, le nombre de demandes de prêts pour des projets durables a augmenté de 80 % en moyenne annuelle. Maurice a progressé en matière de finance durable. Le pays a connu un changement de son secteur financier, visant à renforcer la gouvernance, la transparence et la durabilité. Une de nos priorités demeure le développement de modèles robustes pour comprendre et évaluer les risques posés par les chocs climatiques sur la stabilité des prix et la stabilité du système bancaire.»
Le gouverneur de la BoM n’a pas manqué de souligner un risque susceptible de faire surface dans le débat. «Il faut souligner un fait important. La finance ne peut tout résoudre à elle seule. Pour affronter les difficultés actuelles, elle doit collaborer avec tous les acteurs du développement : le milieu politique, le milieu universitaire, les organisations internationales, et bien entendu, le milieu économique et les organisations non gouvernementales, entre autres.»